Préparatifs

Comme bon nombre de trailers, je rêve de faire l’UTMB depuis un petit moment. Depuis 2023, c’est devenu l’objectif !

Le système pour s’inscrire, aussi controversé soit-il, est basé sur des Running Stones, des sortes de jetons pour le tirage au sort qu’il est possible d’acquérir sur des courses labellisées By UTMB.

J’ai couru l’Ultra-Trail de Saint-Jacques en 2023 pour en obtenir quatre, ainsi que l’Ultra-Trail Nice Côte d’Azur la même année qui m’en a apporté quatre de plus.

Cela ne suffit pas pour 2024 pour le tirage au sort alors j’ai remis le couvert pour en prendre 4 supplémentaires avec un nouvel épisode au trail de Saint-Jacques.

Le 16 janvier 2025, la bonne nouvelle est tombée : les 12 Running Stone collectées ont été suffisantes pour obtenir le précieux sésame pour l’édition 2025 de l’UTMB. Je vais participer à l’UTMB.

Pas de temps à perdre, j’ai commencé la prépa dès le début d’année en enchaînant assez facilement des mois avec un gros kilométrage et un intercalant l’UTCA le 100 miles Alsace Grand Est by UTMB au mois de mai. Je m’étais inscrit pour l’Alsace avant le résultat du tirage au sort en me disant qu’il servirait soit de prépa à l’UTMB, soit à collecter quelques Running Stones en plus.

La préparation s’est bien passée sur les sept premiers mois de l’année malgré un truc bizarre au genou gauche (trace d’arrachement osseux au genou gauche suite à une chute en février) et tout de même quelques petites frayeurs au niveau du genou droit qui a eu un peu plus de mal à supporter la charge. Au 29 août, j’étais déjà à plus de 2150 km au compteur en course à pied alors que ma plus grosse année (2022, année de la Diagonale des Fous) culminait à 2500km.

L’avant course

Nous sommes arrivés à Chamonix dans la nuit de mercredi à jeudi, en famille, soit à peu près 48 heures avant le départ de la course.

Petit run de contrôle le jeudi matin à Combloux sous la pluie et un après-midi consacré au village UTMB à Chamonix et à la récupération du dossard numéro 1607. J’en profite pour acheter une paire de lunettes photochromiques car l’organisation a activé le pack grand froid

Jeudi soir repas tranquille avec les copains. Vendredi matin repos et direction Chamonix en début après-midi avec les navettes depuis Sallanches (bien plus simple qu’en voiture).

Sac de délestage déposé, je retrouve Sylvain dans le sas de départ, enfin je le vois à moins de 10m de moi, mais impossible de s’approcher de lui car il y a beaucoup trop de monde. Rémi un autre coureur de Bretagne est là lui à 2m.

La pression monte dans le sas, la musique de Vangelis commence et les émotions gagnent la majorité des coureurs.

3, 2,1… Top départ ! C’est parti pour 175 km et 10000 de dénivelé positif. 

Début de course dantesque

Les 2500 fauves sont lâchés, et je retrouve Sylvain quelques mètres après la ligne de départ. Il a choisi la sécurité en partant directement avec sa veste de pluie tandis que j’ai opté pour le t-shirt. Bien lui en a pris car je me trouve rapidement mouillé et à devoir enfiler ma veste moins de quatre kilomètres après le départ. Les premiers kilomètres s’enchaînent dans la ville dans une ambiance de folie aux alentours de 10 km/h.

Le parcours est assez roulant jusqu’au Col de la Voza première grosse ascension avec 800 m de dénivelé. Le soleil refait son apparition dans la montée et nous laisse admirer les magnifiques paysages alpins. 790ème au col ! Montée entière sans sortir les bâtons.

Nous atteignons le sommet rapidement en gérant notre effort. C’est l’heure de la bascule vers Saint-Gervais avec 1000m de d-. Je ne suis pas au top au niveau gastrique et je laisse partir Sylvain devant. Il est de toute façon meilleur descendeur que moi. Un peu dur de se mettre dans la descente, et je me fais énormément doubler. J’espère que ça ira mieux sur les prochaines…

La pluie refait son apparition et la nuit commence à tomber. Je dois m’arrêter en chemin pour sortir ma frontale. À moins de deux minutes près, cela aurait pu attendre Saint-Gervais car j’étais quasiment rendu à la jonction avec le bitume éclairé par les lueurs des lampadaires. J’arrive à relancer sur la route, mais l’estomac fait des blop blop et la pluie redouble d’intensité à l’approche de Saint-Gervais les bains. L’ambiance y est totalement dingue. Je retrouve d’abord Yoann, un autre spartiate et sa famille sur le côté qui nous encouragent et donnent de la voix. Puis juste à la sortie du ravito, ma femme et mes enfants qui se sont bien fait trempés pour me soutenir. Ca fait chaud au coeur. Près de 200 places de perdues à Saint-Gervais (956ème).

La suite est en faux plat montant de Saint-Gervais jusqu’aux Contamine. Une pause technique me permet d’être bien mieux au niveau gastrique. J’en profite alors pour remettre du rythme et de commencer à reprendre des places au classement avant l’arrivée au ravitaillement.

Passé le ravito, des Contamines, nous traversons la FlyZone Hoka, puis Notre-Dame de la Gorge dans une ambiance folle. Il n’y a même pas un mètre en largeur pour passer au milieu des supporters et ça booste de voir autant de personnes motivées sous la pluie. Par contre, j’imaginais tout de même le passage beaucoup plus long car il doit faire à peine 100m.

Après, nous nous retrouvons cette fois seuls dans l’obscurité, nous traversons notamment des zones protégées où la consigne est de faire le moins de bruit possible et de laisser les frontales au minimum. Cela n’est pas dérangeant car nous sommes sur des portions montantes aux alentours des 10% (dans une petite bosse de 1700d+ qui démarre des Contamines jusqu’au col). Comme je l’avais envisagé, les bâtons restent dans le carquois. Je n’en ressens pas encore le besoin.

La pluie est toujours là, parfois calme, souvent forte. En approchant de la Balme, beaucoup s’arrêtent pour se changer : passer des couches chaudes ou mettre un pantalon. De mon côté, je reste en mode t-shirt et veste et ne pense même pas à mettre les gants ou un bonnet. Je suis super bien et double de nombreux coureurs.

La température chute régulièrement et je ne m’en rends pas vraiment compte avant qu’il ne commence à neiger aux alentours de 2000 m d’altitude. D’abord un mélange pluie/neige, puis cela se transforme réellement en neige et que cela commence à tenir sur les côtés des chemins. C’est à ce moment que je décide de mettre ma paire de gants et je prends alors conscience que j’ai déjà super froid. Mais ça va être compliqué de se changer dans l’ascension. Je décide de continuer jusqu’en haut du Col du Bonhomme. Il neige de plus en plus. En arrivant au sommet, je suis transi de froid. Il y a une cabane de 5 m² ainsi qu’une tente de l’organisation où il est possible de se changer.

J’entre et retrouve 3 autres coureurs. Je suis complètement frigorifié. Un bénévole doit m’aider à enlever mes gants et à me changer car je tremble trop pour réussir à le faire tout seul. J’écoute ses consignes et j’enfile deux sous-couches manches longues puis ma couverture de survie en mode poncho et enfin ma veste, le bonnet et la capuche pour repartir. Je mets aussi les deux paires de gants (dont les sous-gants achetés 15′ avant le départ). Je reste à peu près 20 minutes sur ce point d’étape non prévu. Et je repars en direction du refuge du Bonhomme qui est sur la crête deux de kilomètres plus loin. À ce moment-là je me fais arrêter par la patrouille qui me dit que le pantalon est obligatoire. Je n’ai même pas été assez lucide 15 minutes plus tôt pour me dire que ça pourrait être bien d’enfiler un pantalon. Résultat, je repasse plus de 10 minutes de pause au refuge pour me changer cette fois le bas.

Je n’ai pas pris d’autres photos que celle du sac la nuit… beaucoup trop froid pour sortir les mains et le téléphone.

Il est l’heure d’attaquer la descente, la première descente enneigée de notre périple. Dans la descente, la neige laisse rapidement place à de la boue . C’est très glissant par endroit mais j’ai réussi à rester debout, sauf une fois où je fais une jolie glissade sur les fesses. La descente se fait finalement plutôt bien. Dès qu’on redescend on repasse par la zone pluie/neige et on sent les températures qui remontent.

Arrivée à Chapieux, ravitaillement assez rapide et contrôle de la couverture de survie par l’organisation pour chacun des coureurs. Facile ! La mienne est déjà sur moi 😉

J’avais gagné plus de 200 places entre les Contamines et La Balme mais j’en ai perdu 400 avec mes arrêts en haut du col du Bonhomme et la descente où j’étais moins à l’aise.

C’est reparti pour une ascension vers le col de la Seigne : 1000m de dénivelé positif. Là encore, la montée se passe très bien et je continue à remonter au classement. C’est à ce moment que je me décide à sortir les bâtons. J’adore ce moment où j’ai l’impression que la course devient encore plus facile car l’effort est maintenant réparti sur l’ensemble des membres.

Un petit crochet de 200 m, suite à une erreur d’aiguillage pour un petit groupe de quatre et on repart dans le reste du col. Lorsqu’on arrive en haut du col de la Seigne, il fait extrêmement froid, il neige toujours et il y a beaucoup de vent. Encore une fois, j’ai gagné beaucoup de places (200) dans la portion montante et j’en reperds quelques unes dans la descente.

Le parcours a été modifié par l’organisation pendant la course par mesure de sécurité et nous redescendons directement vers le lac Combal, sans passer par les pyramides calcaires.

Le jour se lève juste avant d’arriver au ravitaillement du lac. Il nous permet d’admirer le massif du Mont-Blanc sous des lueurs matinales. Une nouvelle fois, un ravitaillement vite expédié et je repars toujours au top de ma forme. Les sensations sont au top et la nouvelle bosse me permet une nouvelle progression au classement.

Et enfin, la descente vers Courmayeur, où se trouve la base de vie du parcours. Je sais que je vais y retrouver ma femme et les enfants et je pourrais me poser plus de temps avec eux.

La descente se fait plutôt bien, car elle n’est pas technique. J’arrive à Courmayeur en 969ème position au bout de 15h 47 de course pour 81km et 4700m de dénivelé positif. C’est déjà l’Italie et presque la moitié de course.

Après la neige, le beau temps

Je passe une heure au ravitaillement de Courmayeur. C’est plus long avec une assistance, mais bien plus sympa et tellement plus reposant. Je me change, recharge les batteries, m’hydrate (beaucoup à travailler de ce côté car j’aurai passé toute la course en sous-hydratation, même en me forçant) et me nourris. Ma femme a eu le temps d’acheter du Coca-Cola (car je ne suis pas un grand fan du cola UTMB et une nouvelle couverture de survie). Merci.

Je repars frais et pimpant à l’assaut de la deuxième partie de course. Il reste environ 90km et 5000m de d+.

Un premier km sur route, et c’est parti pour l’ascension vers le refuge Bertone. Une jolie patate de 800 m de dénivelé à avaler sur 4 km. La montée se passe très bien. Je ne peux pas beaucoup doubler car il s’agit d’un single mais cela m’évite de me mettre dans le rouge car le rythme est tranquille et j’économise mes forces utiles pour la suite.

Je suis reparti uniquement en t-shirt après Courmayeur et je ne le regrette pas car il fait très bon, y compris sur les plateaux comme la portion entre les refuges Bertone et Bonatti. Le chemin est roulant et il est facile de courir.

Après le refuge de Bonatti, redescente vers Arnouvaz : tout se passe toujours très bien sans accroc. Je gagne des places sur chaque segment et pointe au ravitaillement à la 866ème position au même moment que la montre affiche 100km et que le vainqueur de l’UTMB est connu !

C’est l’heure de s’attaquer au Grand Col Ferret. On m’en a parlé, beaucoup parlé. Beaucoup le redoutent, le craignent, mais de mon côté, je l’avale… Il est super beau, tout de vert vêtu, et je gagne 60 places dedans. Tout se passe bien sous le soleil montagnard.

Arrivé au sommet du Grand Col Ferret (point culminant de la course à 2500m d’altitude), il n’est pas question de s’y attarder car même si le paysage est superbe, il y a beaucoup de vent. Je m’attaque alors à la descente vers La Fouly (avec 1400m de dénivelé négatif à faire avaler aux quadris).

La descente se passe bien et j’arrive en Suisse. Elle permet de courir facilement sauf sur quelques portions mais globalement ça passe bien. Je retrouve femme et enfants à La Fouly pour un nouveau ravitaillement avec assistance et je repars rapidement pour Champex après avoir accroché un t-shirt manches longues sur mon sac pour le faire sécher.

On finit la descente plus bas que La Fouly pour entamer la première bosse Suisse. Je trouve la montée vers Champex-Lac super facile. Elle est régulière et roulante. J’en fais une partie en mode marche nordique et je continue ma remontée au classement pour pointer en 740ème position.

La fatigue de fin de course

Dernier ravitaillement avec assistance. Je mange, je bois, j’aspire leur énergie et je repars pour le dernier marathon (~45km) jusqu’à Chamonix. Changement de t-shirt pour enfiler le manches longues qui a un tout petit peu sécher et le t-shirt Haroz par dessus.

Je commence à sentir un peu plus la fatigue. Pas une fatigue musculaire mais plutôt d’ordre général. En même temps, le départ est donné depuis 29h (et je n’ai pas dormi depuis plus de 38h) mais la montée vers la Giète se passe tout de même bien. Par manque de lucidité, je me fais une petite pause de 4/5 minutes dans la côte, et en repartant je me rends compte que j’étais à 50m du sommet !

Descente vers Trient un peu plus technique, mais ça passe crème… Encore 53 places gagnées depuis Champex ! Il est l’heure de me mettre au café. Pour ceux qui me connaissent, je bois mon café presque froid. C’est bien moins pratique sur un ravitaillement de course, donc je suis obligé de le couper à l’eau, donc ça réveille moins !

144km avalés et 8200 d+… c’est bientôt l’heure de rentrer en France ! Ce devait être une formalité… mais non. Personne ne m’avait prévenu qu’il y avait des parties beaucoup plus techniques à la fin du parcours. Il reste deux bosses à passer : la montée vers les Tseppes avant de descendre sur Vallorcine et enfin la Flégère.

Un peu moins dynamique pour monter aux Tseppes, je continue tout de même ma progression au classement mais c’est surtout la suite qui s’annonce compliquée. La descente vers Vallorcine est bien plus difficile et je laisse quelques plumes dedans mais ce n’est rien par rapport à La Flégère. J’arrive à Vallorcine en 633ème position (meilleur classement).

Dernier ravitaillement à Vallorcine et nouveau café tiède coupé à l’eau. Je repars motivé mais fatigué. La montée à la Flégère est compliquée : 800d+ à passer avec des cailloux, des pierriers et des racines. On se rapproche plus des chemins de la Réunion que de ceux des Alpes qu’on a emprunté jusqu’à présent. Et cela ne s’arrange pas par la suite car il y a une portion de descente dans l’ascension (avec 200d-) bourrée de cailloux et pierres… La cheville droite (toujours la même) tourne une fois doucement, puis une deuxième fois plus fortement… Elle est maintenant douloureuse sur les appuis qui ne sont pas bien stables. Je fais une pause pour bien reprendre mes esprits et repars avec plus d’énergie et de motivation que jamais mais en devant faire doublement attention à chaque pas. La portion descentante est achevée non sans mal et je suis tellement content de revenir sur une montée car les appuis sont plus faciles à gérer. J’arrive enfin à la Flégère 4h40 après avoir quitté Vallorcine quand je pensais en mettre plutôt 3h 30.

La Flégère… ce passage mythique de l’UTMB, qui permet de s’engager sur la dernière descente et de souvent prédire qui sera le vainqueur de la course. Spoiler : ce ne sera pas moi !

Dernière descente… le début est roulant comme une piste de ski large et ça me convient très bien. Puis on repasse durant deux kilomètres dans une portion technique toujours jonchée de racines et de cailloux qui me fait ralentir. Le but du jeu est d’arriver entier et debout à Chamonix… donc je préfère être prudent. Je croise beaucoup de monde promeneurs et supporters qui me félicitent. Puis, deux kilomètres au top version piste forestière où je peux relancer tranquille car le pied reste bien dans l’axe et les appuis sont nickels !

Chamonix : le graal et les émotions

Dernier kilomètre et retour sur le bitume. Autant pour le départ, il y a plus d’ambiance à la Diagonale des Fous qu’à l’UTMB, autant pour l’arrivée c’est l’inverse. Un dernier kilomètre magique avec des encouragements, des cris, des applaudissements… J’ai des jambes de feu (pour un mec qui a fait 173km) et je finis les derniers kilomètres à près de 9km/h. J’ai déjà les larmes aux yeux quand j’arrive le long de l’Arveyron et cela ne s’arrange pas quand je récupère les 3 enfants à 200m de la ligne d’arrivée. On passe ensemble sous l’arche en courant pour un moment qui restera gravé à vie… Ma femme est juste en face à nous attendre et nous prendre en photo !

Ca y est, je suis finisher de l’UTMB !

  • 39h 02 quand je pensais en mettre 36h, mais cela n’est pas grave. La fierté du devoir accompli est bien plus forte,
  • 665ème au classement, cela ne veut pas dire grand chose. Le plus important reste la progression constante pendant presque toute la course excepté le Col du Bonhomme et la Flégère,
  • quelles émotions de passer la ligne d’arrivée avec ses enfants sous les yeux de sa femme qui aura fait l’assistance.

Et pour couronner le tout, c’était une course solidaire et engagée avec la mise en place d’une cagnotte au profit de l’association Haroz dont la mission est d’amener un peu de magie et de gaité pour les enfants hospitalisés. Déjà plus de 2000€ ont été collectés au moment de l’écriture de cet article mais vous pouvez encore y contribuer grâce au lien suivant : https://hopis.co/collect/lesspartiatesrunner.

100% des sommes collectées leur sont reversées. Et c’est déductible des impôts (60 à 66% selon votre statut pro/particuliers et votre situation fiscale). Je compte sur vous pour atteindre les 3000€ !

Merci à tous ceux qui m’ont encouragé, soutenus et assisté pendant la course.